Guillaume Villeneuve, traducteur
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Islam européen

mardi 1er janvier 2008, par Guillaume Villeneuve


Puis le prince Charles de rappeler la dette culturelle qu’a l’Occident envers l’Islam, s’agissant de la transmission des textes classiques durant la période sombre du Moyen-Âge :

“Non seulement l’Espagne musulmane a-t-elle réuni et préservé le contenu intellectuel de la civilisation ancienne des Grecs et des Romains, mais elle a interprété et enrichi cette civilisation et apporté sa contribution personnelle dans tant de domaines de la recherche humaine - en science, astronomie, mathématiques, algèbre (mot qui nous vient de l’arabe), droit, histoire, médecine, pharmacologie, optique, agriculture, architecture, théologie, musique ! Averroès et Avenzour, comme leurs homologues Avicenne et Rhazès en Orient, ont enrichi l’étude et la pratique de la médecine de telle sorte que l’Europe en profita pendant des siècles par la suite. L’Islam a stimulé et entretenu la recherche intellectuelle. Comme le dit l’adage, “l’encre de l’érudit est plus sacrée que le sang du martyr.” Cordoue au Xe siècle était de loin la ville la plus civilisée d’Europe. Nous savons qu’il existait des bibliothèques de prêt en Espagne à l’époque où le roi Alfred se livrait à d’abominables hérésies culinaires dans ce pays d’Angleterre. On dit que les 400 000 volumes de la bibliothèque du sultan dépassaient le total de toutes les autres bibliothèques d’Europe. Le monde musulman en était capable parce qu’il avait acquis de la Chine l’art de la fabrication du papier plus de quatre siècles avant le reste de l’Europe non-musulmane.”

“Une grande partie des traits dont s’enorgueillit l’Europe moderne lui sont venus de l’Espagne musulmane. La diplomatie, la liberté du commerce, l’ouverture des frontières, les techniques de recherches universitaires, d’anthropologie, l’étiquette, la mode, divers types de médecine, les hôpitaux, tous venaient de cette grande ville entre toutes. L’islam médiéval était une religion d’une remarquable tolérance pour son temps, qui donnait aux juifs et aux chrétiens le droit de pratiquer leur foi native, un exemple qui ne fut malheureusement pas imité par l’Occident avant de nombreux siècles. L’étonnant est l’importance que l’Islam a longtemps eue en Europe, d’abord en Espagne, puis dans les Balkans, et l’importance de sa contribution à une civilisation que nous identifions trop souvent, et à tort, comme entièrement occidentale.”

Il conclut : “L’Islam fait partie de notre passé et de notre présent, dans tous les domaines de l’entreprise humaine. Il a aidé à créer l’Europe moderne. Il fait partie de notre propre héritage et ne s’en distingue pas.” Plus encore, l’Islam a quelque chose de vital à donner à l’Occident : “en son cœur réside la conservation d’une vision globale de l’univers et de sa représentation. L’Islam - comme le bouddhisme et l’hindouisme - refuse de séparer l’homme et la nature, la religion et la science, l’esprit et la matière, et il a préservé une conception métaphysique et unifiée de nous-mêmes et du monde qui nous entoure. Au fond de lui réside encore une conception intégrale de la sainteté du monde et un sens précis de la confiance et de la responsabilité qui nous ont été déléguées s’agissant de notre environnement naturel.” L’Occident a perdu cette conception intégrée du monde : “Une philosophie globale de la nature ne fait plus partie de nos convictions quotidiennes.”

Extrait de Charles d’Angleterre, Un prince militant, pp. 159-161, Paris 2008


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