Guillaume Villeneuve, traducteur
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L’art de la traduction arabe

dimanche 8 octobre 2017, par Guillaume Villeneuve


Il y avait encore Abu Rayhan al-Biruni, qui prouva que la terre gravitait autour du soleil et tournait sur un axe. Ou des érudits comme Abu Ali Husayn ibn Sina, plus connu en Occident sous le nom d’Avicenne, qui a écrit sur la logique, la théologie, les mathématiques, la médecine et la philosophie, à chaque fois avec une intelligence, une clarté et une intégrité impressionnantes. « J’ai lu la Métaphysique d’Aristote, écrit-il, sans pouvoir en comprendre le contenu (…) même après y être revenu et l’avoir lue quarante fois, jusqu’au moment où je l’ai eu mémorisée. » Il s’agit d’un livre, ajoute-t-il dans une note qui réconfortera les étudiants de ce difficile ouvrage, « qu’il est impossible de comprendre ». Mais se trouvant un jour devant l’étal d’un libraire au marché, il acheta un exemplaire d’une analyse de l’ouvrage d’Aristote par Abu Nasr al-Farabi, autre grand penseur du temps. Soudain, tout prit sens. « Je m’en réjouis, écrit Ibn-Sina, et donnai le lendemain force aumônes aux pauvres en gratitude à Dieu, le Très-Haut. » [1]

Il y avait aussi les savoirs rapportés de l’Inde, des textes scientifiques, mathématiques, astrologiques écrits en sanskrit et scrutés par des hommes brillants comme Muhammad ibn Musa al-Khwarizmi, qui note avec plaisir la simplicité du système numérique ayant inventé le concept du zéro. Il fournit la base de progrès exponentiels en algèbre, en mathématiques appliquées, en trigonométrie et astronomie – cette dernière discipline étant notamment stimulée par une nécessité concrète, celle de savoir où se trouvait La Mecque de manière à offrir des prières correctes.

Les érudits étaient fiers, non seulement de rassembler des matériaux de toutes les régions du monde, de les étudier, mais aussi de les traduire. « Les ouvrages des Indiens sont rendus (en arabe), la sagesse des Grecs est traduite, et la littérature des Persans (nous) a été transmise (aussi) », note un auteur ; « de ce fait, certains ouvrages ont gagné en beauté. » Quel dommage, juge-t-il, que l’arabe soit une langue si élégante qu’il soit presque impossible de la traduire. [2]

Les Routes de la Soie, Bruxelles, 2017, pp. 128-9.

Notes

[1W. Gohlman, The Life of Ibn Sina : A Critical Edition and Annotated Translation, New York, 1974, 35.

[2al-Jāḥiẓ, Kitāb al-Ḥayawān, cité par P. Pormann et E. Savage-Smith, Medieval Islamic Medicine, Édimbourg, 2007, 23.


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