La sécurité n’est pas une liberté

De même qu’une graine croît avec le cours naturel du temps, ainsi le monde croît-il, ainsi meurt-il, ainsi renaît-il. C’est l’antithèse même de la notion actuelle de « progrès », dans laquelle sont liés les méchants dragons de la volonté, de l’intention, du but et de la lutte - ou je devrais plutôt dire qu’ils ne sont pas reliés, mais lâchés. Le progrès, à croire l’occidental, signifie une ligne droite à travers d’impénétrables barrières : à force de créer des difficultés et des obstacles tout au long, le progrès s’anéantit. L’idée qu’en forme Howe est l’orientale, avec laquelle le jiu-jitsu nous a familiarisés, celle où l’on se sert de l’obstacle lui-même comme d’une aide. Cette méthode est aussi applicable à ce que nous appelons maladie, ou mort ou mal, que face à un adversaire brutal. Le secret en réside dans la compréhension que la force peut être dirigée aussi bien que redoutée - bien plus, que tout peut être transformé en bien ou en mal, profit ou perte, en fonction de son attitude. Dans son état de peur actuelle, l’homme semble n’avoir qu’une attitude, la fuite, où il s’immobilise comme dans un cauchemar. Non seulement refuse-t-il d’accepter ses peurs, mais pis, il en a peur. Tout paraît infiniment pire que ça l’est, dit Howe, « pour cette seule raison que nous tentons de fuir. » C’est le Paradis même de la Névrose, une colle de peur et d’anxiété, où, à moins de vouloir nous sauver par nous-mêmes, nous pourrions rester englués à jamais. Imaginer que nous allons être sauvés par une intervention extérieure, que ce soit sous forme d’un psychanalyste, d’un dictateur, d’un sauveur, ou même de Dieu, c’est pure folie. Il n’y a pas assez de canots de sauvetage pour nous tous et de toutes façons, comme le souligne notre auteur, ce qu’il nous faut c’est des phares bien plus que des canots. Une vision plus complète, plus claire - pas davantage de mesures de sécurité !

Extrait de « La sagesse du cœur », in La Sagesse du cœur Paris, 2016.