Guillaume Villeneuve, traducteur
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La démocratie exportée

vendredi 23 mai 2008, par Guillaume Villeneuve


Alors que j’écrivais ces dernières pensées sur Carson, j’ai reçu d’un ami une vieille coupure de presse que John aurait aimée. Je nous revois dans son émission. Je remarque que le gouvernement se félicite des récentes élections irakiennes avec une participation de peut-être soixante douze pour cent. Je suis à sa droite, sur le fauteuil pivotant, et tiens une vieille coupure de presse.

- Il paraît, Gore, que vous avez les dernières nouvelles sur les élections en Irak. Quel triomphe pour la liberté et la démocratie, n’est-ce pas ?

Je marmonne “dans le tout meilleur sens de ces mots” puis réponds à voix haute et intelligible :

- Eh bien, en fait, cela sort du New York Times du 3 septembre 1967.

- Année risquée pour la liberté, hein ?

Je lis le titre : “Les États-Unis se disent encouragés par les élections au Viêt-Nam : les responsables parlent d’une participation de 83% en dépit de la terreur viêt-cong... Des élections réussies constituent depuis longtemps la pierre angulaire de la politique du président Johnson visant à stimuler la mise en place des processus constitutionnels au Viêt-Nam-Sud.” Soudain, nous revoici sur la terrasse de Ravello.

CARSON

Quelle est cette expression dont tu te sers sans cesse pour désigner le pays ?

VIDAL

Les États-Unis d’Amnésie.

CARSON

J’ouvrirai là-dessus et puis tu évoqueras les “dernières” élections irakiennes avec la citation de 1967.

VIDAL

Mais où pourrons-nous le dire ?

CARSON

Oh, on trouvera une émission.

VIDAL

Il n’y en a pas. Tu te rappelles ? Tu es mort.

CARSON (évasif)

Non, non. Je suis simplement installé sur la plage, on appelle ça un ermitage.

À l’estime, Paris 2008.


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